Daniely Francisque est comédienne. On l’a vue récemment à la télévision, dans la série Guyane sur Canal +, elle a joué dans Meurtres en Martinique. La voici à Avignon, sur scène, dans une pièce qu’elle a écrite. Cyclones. A voir absolument, dans cette ambiance si spéciale que le festival confère à cette ville ceinte du Vaucluse. La chaleur peut y être étouffante, un peu comme l’atmosphère sous un cyclone. Daniely Francisque s’est soumise sans contrainte à l’ITW Diasporamix.
Ton portrait-robot en quelques mots ? nom, prénom, date de naissance, lieu de naissance, activités, nationalité, signe particulier ?
Daniely Francisque, née en décembre 1972, auteur et actrice de théâtre et cinéma, Martiniquaise de nationalité française, aime sourire à la Vie !
Peux-tu nous présenter Cyclones ?
Le pitch : « Par une nuit de tempête, une femme solitaire se barricade lorsqu’une jeune étrangère lui demande refuge. Contrainte de l’accueillir, elle ignore à cet instant qu’elle vient de laisser s’engouffrer le plus terrifiant des cyclones… Un duel féroce s’engage, placé sous l’oeil impitoyable d’un cyclone… »
Tu as écrit cette pièce, quel en fut le point de départ ? Comment naît un texte ?
Cyclones est né de voix, de cris, de silences, de questions qui s’entrechoquait en moi. Il était nécessaire, urgent, et même vital d’écrire. Au centre de mon interrogation : Comment survit-on à une enfance ravagée ? Quelles stratégies de survie met-on en place pour contenir les ravages intimes ? Jusqu’où peut-on vivre dans le déni ? Que se passe-t-il quand une histoire occultée refait brusquement surface ?
Quelle en est la part autobiographique ?
Toute oeuvre a sa part autobiographique ! Et puis tout ce qui j’ai pu y mettre passe par le prisme de ma sensibilité. Alors oui, « Cyclones » parle d’une part de mon intimité, mais renferme aussi en elle des épisodes de vies douloureuses que j’ai pu observer autour de moi. Tous ces cyclones intimes qui ravagent en silence les êtres, les familles.
Tu es comédienne et interprète un des rôles de la pièce ? Est-ce facile d’être à ces deux postes ?
Écrire et interpréter sont deux « rôles » très différents. Mais jouer un rôle que j’ai créé sur le papier, m’en facilite l’interprétation. Ce personnage, je continue à le découvrir en le jouant, jouer est un prolongement de l’écriture.
Pourrais-tu nous dire un mot de Gloriah Bonheur ? Pourquoi elle ?
Gloriah et moi c’est l’histoire d’une flamme partagée. À 16 ans, elle a fréquenté un atelier théâtre que j’animais il y a pratiquement 8 ans. Je l’ai invité à monter sur les planches pour la première fois pour interpréter un rôle que j’avais moi-même joué à mes tous débuts. Je suis fière qu’elle ait décidé de s’engager dans ce beau métier de comédienne. Il était naturel pour moi de l’inviter à partager la scène avec moi dans « Cyclones ».
Cyclones… Tous les antillais connaissent le cyclone. En quoi les cyclones te fascinent-t-ils ?
Face à ce phénomène puissant, nous sommes poussés à une sorte d’introspection, à reconsidérer notre place dans la Nature, à retrouver une simplicité de vie. Ici j’utilise le cyclone comme le troisième personnage de la pièce. Il souffle sur les personnages pour mettre à nu les vérités cachées. Et ne savons-nous pas qu’après le passage d’une tempête, la nature certes dévastée nous offre de belles floraisons, plus abondantes (avec un peu de patience) ?
Les familles ont toutes, pour la plupart un secret. Les familles antillaises, sont-elles mieux servies que les autres ? La tienne ?
Je ne saurais répondre de façon globale, c’est un sujet difficile à étudier, en soi. Mais en écrivant « Cyclones » je me suis en effet intéressée au dilemme que pose le secret de famille : Comment faire face à la révélation d’un secret ? Se taire, même s’il nous détruit, ou le dévoiler, au risque de détruire l’Autre ? Comment les secrets de famille traversent-ils les générations ? Ce sujet n’intéresse pas seulement les familles antillaises, il touche l’universel.
Tu es à Avignon, la capitale mondiale du théâtre pendant un mois. Une sorte de supermarché du théâtre… en quoi est-ce exaltant ? Ou déprimant ? En quoi est-ce important d’être ici ?
C’est une vraie chance d’être au Festival d’Avignon, c’est aussi une vitrine formidable ! Mais surtout un défi : se démarquer parmi près de 1500 spectacles, attirer des spectateurs et en plus toucher les professionnels. J’envisage notre passage comme un lieu de tremplin qui j’espère nous fera décrocher d’autres représentations ici et ailleurs.
Tu vis de ton art ? Est-ce évident ? Quelle est la formule ?
Je vis assez bien de mon métier. J’alterne le théâtre, les tournages, et lorsque les projets de création deviennent plus rares, j’enfile ma casquette de formatrice.
Tu as créé TRACK, une compagnie qui travaille autour de plusieurs modes d’expression, théâtre, danse… que penses-tu de la place de l’art dans notre société ?
L’art est une nécessité pour l’homme. C’est l’espace extraordinaire où il peut se projeter, se rêver, se transformer. C’est aussi l’endroit où on s’échappe de soi et où l’on revient aussi à son intime vérité. Le lieu de l’émotion juste où l’on redécouvre son monde et peut-être soi-même avec un nouveau regard.
As-tu un but ? Lequel ?
Continuer à créer des univers, rêver des mondes, inventer des personnages. Partager mon art pour toucher les points sensibles de l’homme.
Tes projets pour 2017 ?
Une nouvelle pièce, moi qui m’étais promis après « Cyclones » de ne plus écrire, devant la difficulté de la tâche… oui, c’est exigeant d’écrire ! (rires).
Et après ?
Ce métier est une aventure et je ne sais pas tout ce qui se passera demain ! Mais je souhaite de tout coeurparcourir les scènes avec « Cyclones » et le porter vers de nouveaux publics. En particulier pour donner à entendre son propos.
Le mot de la fin ?
J’ai vraiment beaucoup de chance de faire ce métier de comédienne et désormais, d’auteur. Mais ce n’est pas un « métier » comme les autres. Il vibre passionnément avec mon être profond, me fait évoluer chaque jour. Ce n’est pas toujours confortable, mais quel bonheur. Je remercie ma bonne étoile.
Cyclones à Avignon du 7 au 30 juillet à la Chapelle du Verbe Incarné. Avec Daniely Francisque et Gloriah Bonheur/ Mise en scène : Patrice le Namouric.
La page facebook de Daniely Francisque
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