Roland Brival est un artiste intégral. Il vit pour et par l’art. Musique, écriture, arts plastiques. Après Nègre de personne en 2016 (Gallimard), il revient à peine un an plus tard avec “Sato San, le maître des corsets”, son dernier roman, à paraître le 11 mai au Mercure de France.
Son dernier ouvrage paru en 2016, Nègre de Personne (c’était avant le documentaire de Raoul Peck, I’m not your negro) guidait le lecteur dans le New York de l’entre-deux- guerres sur les pas de Léon Gontran-Damas. Une fiction inspirée de la biographie du guyanais, ami de Césaire et de Senghor et fondateur avec eux de la Négritude. Damas, confronté à la réalité des Noirs américains et à ses propres interrogations. « Je me sens plus métis que Nègre » dit-il à Césaire. « Et c’est une expérience bien difficile à partager. Mais rappelle-toi que l’Afrique noire et ses dieux ne sont qu’une partie de la mémoire où voyage mon sang ».
Brival est familier des voyages… physiques et intérieurs. Sato San, Maître des corsets l’amène (par le bout du nez) au Japon.
La formule n’est pas une coquetterie. « L’idée du livre m’est tombée dessus », explique l’écrivain, « et quand cela vous prend, vous vous laissez guider ». Nous voilà donc au Japon, dans l’entre-deux-guerres, dans un univers où la spiritualité et l’érotisme composent le tableau cinématographique du roman.
« Je ne sais pas pourquoi on écrit un livre. Je suis loin d’avoir la sagesse de Monsieur Sato, mais quand un personnage te prend, te possède, tu te laisses faire, tu te laisses guider. Et tu apprends ».
L’érotisme… C’est complexe hésite l’auteur. « On est dans le pire monde du cliché. On dépasse le cliché en changeant de point de vue. En Orient, le raffinement érotique a été porté à l’ultime degré. Ceci explique que nos mots sont si pauvres quand il s’agit de l’évoquer ».
Roland Brival est un homme libre. Probablement le plus libre des auteurs antillais. Nomade enraciné dans le monde, il sait néanmoins d’où il vient. Son roman « La montagne d’ébène », fut l’un des premiers romans historiques antillais. Depuis, il n’a cessé de voyager. Antilles, Guyane, mais aussi Irak, Venise, New York et maintenant Japon.
Lire aussi Roland Brival, Créole Songs. Dékolé.
Un nouveau paradigme
Qu’est ce qui inspire un écrivain ? Quelle nécessité le pousse à raconter l’histoire qu’il compose ? Brival semble plus grave qu’avant. Son regard reste souriant, mais on sent poindre comme une lassitude. La question de l’identité si présente aujourd’hui dans les discours politiques le passionne peu (le déprime plutôt). Les typologies, les clichés, tout ça doit être dépassé… Nègre de personne, on vous dit. « Je suis un homme et c’est ce qui m’intéresse ». « Il faut écouter Baldwin : si vous voulez me regarder comme un Noir, c’est votre problème, pas le mien. Le monde va à une vitesse telle que nous sommes précipités dans la question de l’identité qui ne mène nulle part. Ceux qui considèrent les migrants comme des étrangers devraient se demander si penser cela ne les rend pas étrangers au monde ».
Les gesticulations et soubresauts politiques, l’agitation accrue par les réseaux sociaux, l’impasse dans laquelle nous mènent les catégories telles que Noirs, Blancs, migrants, nationalisme, nous imposent un nouveau paradigme. Considérer la simplicité de notre dimension humaine avant tout, semble être ce qui intéresse désormais exclusivement Brival. « Je pourrai m’arrêter d’écrire. Ça ne m’est pas indispensable. Je pourrais m’arrêter pour respirer ». Après seize romans, six albums, Roland Brival semble porter son regard au-delà des mots. Comme si le silence portait en lui, une musique parfaite, seule digne désormais d’être écoutée.
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Roland Brival – le Maître des Corsets- Mercure de France