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Sisley Loubet, l’étoile guyanaise de L.A

Faire briller notre singularité.

A l’occasion des Grammy’s Awards qui se sont déroulés à Los Angeles, on l’a vue danser aux côtés de Beyoncé qui a crevé l’écran. Sisley Loubet est danseuse professionnelle et vit aux Etats-Unis depuis près de dix ans. Elle fait carrière à LA et s’impose dans le milieu de la danse commerciale. Elle évolue aux côtés de Rihanna, Mary J Blige, Mariah Carey… il n’est guère de shows des stars du showbiz US qui se déroulent sans elle. Guyanaise, française, américaine par nécessité et adoption, elle a fait le tour du monde.

A presque 30 ans, elle revient sur son expérience dans l’itw Diasporamix.

Interview
Ton portrait robot en quelques mots :

Je m’appelle Loubet Sisley, née le 1er avril 1987 en Guyane à Cayenne. J’habite à Los Angeles. Je mesure environ 1,69m quelque chose comme ça Signe distinctif : cheveux bouclés, plutôt épais ; fine ; grain de beauté sur le cou. Quoi d’autre ? Cette question est difficile… J’ai de longs doigts..

Sisley tu vis à LA depuis de longues années. Depuis quand ? Pour y faire quoi ?

Je vis à LA depuis 5 ans. Je suis partie de NYC pour continuer ma carrière de danse. Me recentrer maintenant sur la danse un peu plus commerciale. A NYC c’était plus « concert dance », de la danse de théâtre, des compagnies de danse. A LA c’est plus commercial, TV, artistes, shows tv, vidéo…

Pourquoi Los Angles ?

Parce que le travail est beaucoup plus fréquent. Il y a plus d’opportunité sur la scène commerciale. Dans ma transition entre les deux mondes, on m’a recommandée et j’ai trouvé que LA présentait plus d’opportunités.

Comment t’es-tu adaptée à ce monde du showbiz à LA et aux USA?

Dans un premier temps, je dirais que l’adaptation est lente, mais elle se fait sûrement.

Avec le recul, je dirais que le business ce n’est pas un monde qui m’était familier auparavant. D’une manière générale l’esprit du show business, va en parallèle avec l’entreprenariat et je trouvais que chez nous, on est un peu détachés de ce monde-là. Donc, j’ai dû m’adapter en posant mes valeurs et en faisant le tri entre ce que je pouvais altérer pour être dans le show business et continuer à performer dans cette sphère, tout en gardant et en préservant des valeurs fondamentales auxquelles je tenais et que je ne voulais pas changer.

Je pense que les valeurs servent comme fondement pour ne pas se perdre, mais j’apprécie quand même le challenge que c’est d’avoir une mentalité business, c’est à dire, savoir vendre, comprendre un public, comprendre ses demandes, ce qu’il recherche et savoir s’adapter. Avec le recul, c’est quelque chose qui me passionne aussi. Et donc, ça a été mon parcours pour pouvoir m’adapter dans ce milieu.

Ce n’est pas encore fini, j’en apprends tous les jours. Avec l’âge on grandit, on gagne en maturité. Les perceptions changent un peu, se réajustent ou s’altèrent, en tout cas je n’en ai pas une conception négative.

Où as tu grandi ? Et tes parents ?

J’ai grandi en Guyane et en France et aussi aux USA, puisque ça fait près de 10 ans, que j’y vis. Mes parents ont grandi en France et en Guyane aussi, et un peu au Maroc pour ma mère, Nouvelle-Calédonie aussi. Ils ont voyagé dans leur enfance.

Tu es danseuse. Pourquoi ?

Ou alors, je suis danseuse, pourquoi pas ? J’aime ça et c’est quelque chose qui s’est développé au fur et à mesure. Ma passion pour la danse s’est accentuée, s’est développée avec le parcours, mes expériences… et puis au tout début, je pense que c’était quelque chose de très familial. J’étais dans un cocon, quand je faisais de la danse en Guyane, c’était un environnement où on partageait énormément, on s’entraidait, on créait ensemble et ça a été un stimulus pour démarrer ce parcours.

As tu compris ta mission de vie ? Ton but ?

Je pense que la réponse change avec le temps. Mais jusque-là, ce que je ressens par rapport à mon parcours, c’est de participer à faire valoir ma culture, là d’où je viens et apporter la singularité de notre culture afro caribéenne, guyanaise – parce que je suis de Guyane – dans mon travail, dans mes échanges au quotidien, l’insérer dans ma créativité, dans ce que je construis, ce que je crée notamment dans la danse. Pour l’instant je n’ai pas vraiment de plateforme où je réalise exactement ce dont je parle, mais je pense que j’y arrive sûrement et que je commence à entrevoir des possibilités de créer des plateformes dans ce sens-là.

Je pense que c’est très important de faire vivre les cultures, de ne pas les abandonner, de ne pas les laisser mourir au fil du temps et absorber par les cultures qui sont un peu imposées et notamment la culture américaine, occidentale, dont nous faisons partie. Je ne vais pas aller plus en profondeur que ça, mais toujours est-il que nous avons des singularités, des particularités à faire valoir et on devrait peut-être essayer de continuer à chérir cette culture-là, de la développer, de la défendre comme une culture de qualité, comme une culture que tout le monde devrait connaître, que tout le monde aurait envie de partager et notamment comme des véhicules de qui nous sommes. Que ce soit le créole, comment on parle, comment on mange, comment on danse. Ça résume un peu là où j’en suis et ce que j’aspire à faire dans le futur.

Et pour finir sur cette question, je souhaite insister sur le renouveau de notre culture. Elle continue à évoluer. Je prends un exemple auquel je réfléchissais ces derniers temps: par exemple aux Etats Unis, ils ont cette facilité : tout peut être inséré dans la culture et devenir un symbole de cette culture. Que ce soit une phrase dite par une célébrité, ou par un politicien, et ils tournent ça en musique, en t-shirt… et la culture continue à se régénérer, continue à vivre. Et j’ai parfois l’impression qu’on manque d’entreprises dans ce sens-là chez nous. Ça existe, mais de façon plus lente. C’est ce sur quoi, j’aimerais me concentrer, ce à quoi j’aimerais participer dans le futur aussi.

Le voyage, le déplacement, l’exil font partie de ta vie. Pourquoi ?

Tout simplement par manque. Cette sensation qu’il n’y a pas assez chez nous. Qu’il faut aller voir ailleurs pour grandir, évoluer etc…et avec le temps, toujours en parallèle avec la question d’avant, je pense qu’on pourrait contredire cette façon de penser.

Une autre partie de la réponse à la question : je danse et dans le milieu commercial, ça fait partie de mon travail, le voyage, les tournées notamment, c’est la vie d’artiste. Tous artistes confondus, c’est le propre même, de se déplacer, de rencontrer l’autre, de se remettre en question, de questionner nos modes de fonctionnement, notre façon de penser, nos goûts, nos préférences, nos valeurs…je pense d’ailleurs que c’est un beau voyage qui permet d’aller aussi à la rencontre de soi-même, de voir ce pourquoi on voudrait se battre, et ce qu’on peut changer par rapport à là où l’on vient. Changer certaines valeurs, garder d’autres. Grandir tout simplement.
Quels sont les pays que tu as visité et où tu pourrais vivre ?

J’ai fait le tour du monde, j’ai envie de dire humblement. C’est un peu difficile de faire la liste, mais les pays où j’ai vécu jusque là : Guyane, France, Etats-Unis. Celui où j’aurais pu vivre ? Je suis tentée par l’Afrique du Sud, mais j’en sais pas plus que ça. Parce que quand je visite certains de ces pays, c’est dans un cadre luxueux, des hôtels 5 étoiles, ça ne dit pas ce qu’est vraiment le pays. A priori c’est l’Afrique du Sud qui m’a le plus touchée, aussi par son histoire.

Sisley, que trouves tu à LA que tu ne trouves pas en France, en Guyane ? Et vice versa ?

Pour démarrer, ce que je trouve à LA, aux USA et que je ne trouve pas en Guyane ? La danse au niveau du show-business. Je ne sais pas comment ça a évolué depuis que je suis partie, mais à mon époque ce n’était pas pensable de faire une carrière de danse pour les artistes afro antillo guyanais et gagner sa vie décemment. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles j’ai dû partir. Je rajouterais la grandeur, c’est subjectif. Et le culot. C’est plutôt impressionnant ici.

Et vice versa : notre culture antillo guyanaise, afro caribéenne. Qui existe ici aussi, mais je crois en la singularité de nos pays et de nos îles. Il y a quelque chose de différent chez nous, quelque chose qui n’a pas encore été touché, exploité…trois petits points de suspension.

Et il y a aussi ma famille que je ne trouve pas à LA. D’une façon générale, la famille, les amis que je ne trouve pas à LA. Mais pour mettre un bémol, je ne suis plus au même âge que quand j’ai quitté la Guyane et la France. J’étais encore adolescente. Là, dans l’âge adulte, les perceptions ne sont pas les mêmes. Ce que je trouvais chez moi avant, parfois, il m’arrive quand je rentre, de ne plus les trouver non plus.

En quoi les personnes sont-elles différentes ?

Par rapport à leur système, aux USA sur tous les plans, santé, travail, etc. ils sont beaucoup plus fonceurs, entrepreneurs, ils font attention, il y a un sens du service très poussé ; chez nous si on prend le service après-vente, tout ce qui est en rapport avec le client, on s’aperçoit qu’en France, on a un petit côté : « on s’en fout du client ». Ici, ça fait partie de la culture de satisfaire, de vendre, de fidéliser, et il y a toute une mentalité autour qui est construite, que ce soit dans les foyer, ou sur le plan professionnel, ça se ressent très fortement, parfois il y a du positif, parfois du négatif.

Mais le temps est passé. Donc c’est un peu difficile de faire le portrait des deux, sans pointer ces détails. Je pense aussi à la façon qu’ils ont d’échanger sur certains sujets sociaux avec une certaine transparence, en essayant de lever les tabous. Par exemple, les sujets sur les races, la sexualité. Mais encore une fois j’ai cette perception parce que j’y suis dans l’âge adulte. En Guyane, j’étais adolescente.

Il y a aussi aux USA – et ça va avec leur concept de vente, de business, de capitalisme – une façon de se vendre, mais ce n’est pas quelque chose qui est perçu (toute proportion gardée) comme présomptueux, ou égocentrique. En France, si on parle un peu trop de soi avec confiance, avec une certaine fermeté, un côté présomptueux, on a tendance à vouloir l’associer avec l’humilité. Et c’est une chose qui m’a toujours interpelée ici : parler de soi avec des superlatifs, ce n’est pas quelque chose de négatif nécessairement. C’est quelque chose pour réussir, pour atteindre ses objectifs et je pense que cela a un rapport notamment avec les religions, la différence dans les religions ici et en France et donc en Guyane.

Chez nous, il ne faut pas en dire trop, il ne faut pas trop en faire, il ne faut pas parler fort. Ça te permet de respecter l’espace de l’autre (parfois c’est un peu trop imposant aux USA), mais ça te permet aussi de cultiver une confiance en soi, tandis que chez nous, c’est plus mesuré, c’est contrôlé. Il faut que ce soit en bas. Faut pas trop parler fort, faut pas trop s’exprimer différemment, faut rentrer dans un moule. Aux USA, je trouve qu’il y a la place pour exprimer l’individualité, la différence, tandis que chez nous on se sent plus sécurisé si on rentre dans le moule, si on suit les codes sociaux.

Par exemple, en France ou en Guyane, il ne faut pas dire qu’on est le meilleur. Non, il faut le laisser sous-entendre et il faut que quelqu’un le dise à notre place ou dise de vous que vous êtes le ou la meilleur(e). Aux USA, tu as le droit de le clamer, tu as le droit de le dire sans nécessairement être perçu comme arrogant ou présomptueux. Ça l’est, mais c’est aussi vu comme une force, la confiance en soi et la détermination de gagner.

Autre chose : un peu à l’extrême de ce côté business, capitalisme, c’est le risque de devoir vendre à tout prix, et parfois au prix de certaines valeurs, de l’humanité elle-même. Chez nous on a encore cette conscience de faire valoir certaines valeurs.

Si je te dis diaspora ?

Je dis culture.

La chose la plus importante pour toi ?

La famille.

Ta plus grande fierté ?

Relever mes challenges, les réussir.

Le mot de la fin ?

Je citerai Oscar Wilde. « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles »

 

 crédit photo de home : Scott Hebert

Voir la master class de Sisley

 

www.sisleyloubet.com

Comments

  1. Elle est vraiment intéressante et concentrée. C’est une bosseuse qui inspire.

  2. […] Lire l’ITW Diasporamix de Sisley, Ici […]

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