Ni Européens, ni Africains, ni Asiatiques, nous nous proclamons Créoles. Cela sera pour nous une attitude intérieure, mieux : une vigilance, ou mieux encore, une sorte d’enveloppe mentale au mitan de laquelle se bâtira notre monde en pleine conscience du monde ».
Quand Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, publient Éloge de la Créolité en 1989, c’est un grand chambardement qui se produit. Jusque-là, il n’y avait guère de place entre l’Europe et l’Afrique. Les créoles, le créole était sommé de choisir son camp. Ce manifeste est une proclamation identitaire, un positionnement politique, une rupture. Césaire dira plus tard, dans une émission d’Antilles Télévision que la créolité est l’enfant de la Négritude. Qu’importe ! Ce qui est vécu comme propre, comme particulier, comme identitaire…une façon de marcher, de manger, une façon de parler, de penser, une façon d’être dans la complexité de nos sociétés malmenées par l’histoire, enfantées par l’histoire, tout ceci est nommé : créolité. Et cela passe par la langue bien sûr. Cela passe par la reconnaissance de sa force, sa légitimité à exprimer ce que sont les Antillais.
Le défenseur d’une langue et d’une culture
Jean Bernabé, Professeur Jean Bernabé fut l’artisan actif d’une reconnaissance, d’un travail concret de terrain, de pédagogue, allant de salles de cours en plateaux de télévision pour expliquer ce qui depuis 1975, est enseigné au GEREC, le Groupe d’étude et de recherche en espaces créolophones. Il a milité, travaillé pour la création d’une licence de créole, d’une maîtrise de créole, d’un troisième cycle en langues et cultures régionales, option créole. Aujourd’hui, grâce à lui et à ses collègues Pierre Pinalie, Chamoiseau, Confiant et tous les « travailleurs » de la langue du GEREC, le créole est reconnu comme une langue, parlée, enseignée, transmise, vivante.
Agrégé de grammaire, docteur en linguistique, doyen de l’Université Antilles-Guyane, il a été un infatigable pédagogue au service des cultures et des peuples créoles. Il s’est éteint le 12 avril 2017 chez lui en Martinique. Il avait 75 ans.
Bibliographie : A l’arpenteur inspiré. Mélanges offerts à Jean Bernabé sous la direction de Raphaël Confiant et Robert Damoiseau – Ibis Rouge – 2006.
Éloge de la Créolité. Gallimard-1989
La dérive identitariste- l’Harmattan- 2016
Crédit photo Jean Bernabé@ Fidélin.